Jeune apprentis menuisier avec son maitre d'apprentissage

Les apprentis des Quartiers Prioritaires de la Ville

En 2023, CMA France a mandaté l’Institut Supérieur des Métiers (ISM) pour conduire une étude sur l'apprentissage des jeunes résidant dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV). L'objectif : mieux comprendre le parcours de ces apprentis dans l’artisanat, du choix du métier jusqu’à la formation en entreprise.
S’appuyant sur une enquête menée auprès de 4 300 apprentis du réseau CMA Formation, dont 405 jeunes issus de QPV, ainsi que sur une analyse des données nationales (SIFA/DEPP), cette étude dresse un panorama inédit.

Un secteur artisanal mobilisateur, mais des défis persistants

Le nombre de jeunes des QPV formés en entreprise artisanale est estimé à environ 13 000, soit un jeune sur cinq issu de ces quartiers. L’artisanat confirme ainsi son rôle majeur dans l’insertion professionnelle des jeunes publics fragiles.
CMA Formation est également implanté au cœur de ces territoires, avec 15 établissements situés en QPV ou en Zone Franche Urbaine, formant à eux seuls un quart des apprentis de ces zones.

 

Pourtant, l’apprentissage artisanal demeure moins développé dans les QPV que dans d’autres secteurs urbains ou ruraux. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer :

  • La structure même du tissu artisanal local, dominé par les micro-entreprises, souvent sans salariés, donc moins susceptibles d’accueillir des apprentis ;
  • Les difficultés de mobilité rencontrées par les jeunes, notamment les mineurs ;
  • Des freins culturels chez certains employeurs, parfois méfiants envers les jeunes issus de quartiers ;
  • Un niveau scolaire plus fragile en fin de collège, rendant l’accès à l’apprentissage plus complexe.

 

Néanmoins, la dynamique est encourageante : entre 2019 et 2022, le nombre d'apprentis formés en entreprise artisanale dans les communes à dominante QPV a progressé de 43 %.

Profil des apprentis originaires des QPV

L’enquête révèle plusieurs spécificités :

  • Un niveau scolaire en retrait : les apprentis sont en moyenne un an plus âgés à leur entrée en CFA que leurs homologues.
  • Une situation familiale souvent plus fragile : 30 % viennent de foyers "déstructurés", 10 % n'ont pas de domicile fixe ou vivent en foyer, et 17 % rencontrent des problèmes de logement.
  • Une précarité financière marquée : 75 % des jeunes apportent un soutien financier à leur famille grâce à leur rémunération d'apprenti.
  • Une forte diversité culturelle : 25 % des apprentis sont de nationalité étrangère et 40 % allophones.

Orientation et insertion : des étapes déterminantes

Les jeunes issus des QPV, comme leurs pairs, choisissent leur métier avant tout par vocation. Seuls 30 % effectuent ce choix tardivement, souvent à l’occasion du stage de 3e, confirmant l’importance de ces stages dans l’orientation.


Cependant, les lacunes dans l’accompagnement restent préoccupantes :

  • 42 % se déclarent insatisfaits de l’aide reçue ;
  • Seuls 35 % des mineurs ont bénéficié d’un entretien avec un conseiller d’orientation ;
  • Un quart des jeunes ont dû trouver seuls leur CFA et leur entreprise d'accueil.
    Par ailleurs, les réorientations sont plus fréquentes : 37 % des apprentis des QPV avaient d'abord suivi un parcours au lycée, contre 26 % en moyenne.

 

L’étude souligne également l’importance du dispositif prépa-apprentissage, mis en œuvre par le réseau des CMA, qui a permis d’intégrer 15 % de jeunes précédemment déscolarisés ou sans emploi.

Parcours en entreprise : des réalités contrastées

Trouver une entreprise d'accueil reste plus compliqué pour les apprentis des QPV :

  • Le temps de recherche est plus long ;
  • Dans un cas sur deux, l’entreprise d’accueil se situe dans une commune différente de celle du domicile ;
  • Peu d’entre eux effectuent leur apprentissage dans leur quartier.
  • La médiation, souvent assurée par les CFA, reste essentielle : 15 % des jeunes trouvent leur entreprise via cet appui, tandis que les associations locales sont peu sollicitées.

Sur le plan de la formation, l'inscription en niveau 3 (CAP) est prédominante chez les apprentis des QPV, accentuant le rôle clé de l’artisanat dans la professionnalisation des jeunes sans diplôme.

 

En revanche, les poursuites d’étude vers des diplômes de niveau supérieur (Brevet Professionnel, mention complémentaire) sont plus rares. Les freins identifiés sont d'ordre financier et logistique, notamment les difficultés accrues pour trouver un nouvel employeur en BP.

Une insertion professionnelle globalement réussie

Une fois en poste, les jeunes issus des QPV connaissent un taux de satisfaction et de réussite comparable à celui des autres apprentis :

  • Le taux de rupture de contrat n’est pas supérieur ;
  • La satisfaction vis-à-vis du maître d’apprentissage et du parcours en CFA est élevée (7,4/10 en moyenne).


Les principaux obstacles restants concernent les difficultés financières, le transport et le logement (17 % des apprentis rencontrent des problèmes de logement, un taux largement supérieur à la moyenne).

Conclusion

Si l'apprentissage en entreprise artisanale représente une opportunité forte pour les jeunes des QPV, leur insertion passe par un renforcement de l’accompagnement en amont : orientation, médiation vers l’entreprise, soutien à la mobilité. CMA France et son réseau CMA Formation poursuivent leur engagement pour faciliter ce chemin vers l’emploi durable.

 

Méthodologie :
Étude fondée sur une enquête auprès de 4 300 apprentis, complétée par une analyse statistique (SIFA/DEPP) des apprentis en communes à dominante QPV.